dimanche 11 janvier 2009

Questions Equestres






Général L'HOTTE

5ème édition

Plon, 1906

Le général L'Hotte dit, quelque part, dans ses Souvenirs , que, rarement, il descendit de cheval sans noter aussitôt les réflexions que lui suggéraient « ces entretiens avec son meilleur compagnon ». Les nombreux cahiers que, au cours de sa longue existence, il a couverts ainsi d'une écriture fine et serrée, contiennent donc le résultat de soixante années de pratique et d'études.
Sur le premier en date de ses cahiers sont inscrites les notes que l'adolescent de quatorze ans, déjà passionné pour le cheval, prenait à la suite de ses leçons avec le commandant Dupuis. Le dernier, qui se termine en octobre 1894, renferme les observations que le vieil écuyer, alors septuagénaire, consignait encore, après avoir monté solitairement, dans son petit manège de Lunéville, ses derniers chevaux : Glorieux, Domfront, Insensé. Des cahiers entiers sont consacrés aux enseignements de d'Aure et de Baucher.
De cette accumulation de précieux matériaux, le général L'Hotte avait extrait les éléments d'un ouvrage considérable sur l'équitation. Retranchant de cet ouvrage tout ce qui ne lui semblait pas d'une absolue nécessité, il le réduisit au petit livre que nous présentons aujourd'hui au public. Ces deux cents pages contiennent donc l'essence même de la doctrine du célèbre écuyer.
En quelques formules lumineuses, il définit les principes de son art; il indique, en trois mots, les buts à poursuivre; et, sans se perdre dans l'exposé des moyens à employer pour les atteindre, moyens «qui varient à l'infini», il se borne à déterminer quelques directions très nettes.
De cet ensemble de principes, de buts à poursuivre et de procédés d'exécution se dégage une méthode simple et claire, ennemie de toute complication, basée sur le bon sens et le tact équestre.
Le général L'Hotte entremêle ses enseignements de considérations générales sur l'art qui fit le bonheur de sa vie. Certaines pages, dans lesquelles il résume les méditations qui occupèrent si souvent son esprit, constituent une véritable philosophie de l'équitation. Tel, le chapitre où, après une comparaison magistrale entre l'équitation et les autres arts, il explique pourquoi, de tout temps, les écuyers de valeur furent rares et formèrent peu d'élèves.
C'est l'équitation savante qui tient la plus large place dans cet ensemble de «questions équestres», mais les autres genres ne sont pas oubliés, et le chapitre relatif à l'équitation militaire, malgré sa brièveté, et fécond en utiles leçons.
Au cours de son travail, le général L'Hotte jette un coup d'oeil d'ensemble sur les différentes méthodes de dressage. Avec la sereine impartialité, la parfaite équité qui le caractérisaient, il n'en condamne aucune.
Ce sera, peut-être, une déception pour certains, qui s'attendaient à trouver dans cet ouvrage un recueil de «recettes» infaillibles pour faire de tous les chevaux des merveilles de légèreté et de tous les cavaliers des écuyers accomplis. C'est le cas de se rappeler l'anecdote racontée par Gaspard Saunier et rapportée dans les Souvenirs du général L'Hotte :
"Je me souviens qu'un des premiers seigneurs de France, conduisant son fils chez Monsieur Duplessis, qui était alors à la tête de tous les célèbres écuyers que j'ai nommés, je me souviens, dis-je, que ce seigneur lui dit, en l'abordant : «Je ne vous amène pas mon fils pour en faire un écuyer, mais je vous prie de vouloir bien lui enseigner à bien accorder ses jambes et ses mains avec la pensée de ce qu'il voudra faire faire à son cheval.» M.Duplessis lui répondit devant moi, qui avais l'honneur d'être alors un de ses disciples : «Monseigneur, il y a environ soixante ans que je travaille pour apprendre ce que vous me faites l'honneur de me dire; et vous me demander là précisément tout ce que j'ambitionne de savoir.»
Le général L'Hotte, qui savait combien de cavaliers, même parmi les professionnels, ressemblent au «seigneur» dont parle Gaspard Saunier, n'a pas manqué de s'élever contre cette tendance; et nous ne pouvons mieux conclure cette courte introduction qu'en citant les paroles par lesquelles l'auteur des Questions équestres termine son exposé des différentes méthodes de dressage :
«Aucune méthode, quelque logique et bien ordonnée qu'elle puisse être, ne saurait donner des résultats infaillibles; toute action équestre exigeant, pour obtenir l'effet qu'on attend, ce qu'aucun écrit ne saurait donner : l'à-propos et la mesure, autrement dit le tact équestre. Ici surtout, on peut dire : Tant vaut l'homme, tant vaut le moyen.»

Extérieur et Haute Ecole



Etienne BEUDANT

ACTES SUD, 2008

Conquête du Cavalier



Y. BENOIST GIRONIERE

Librairie des Champs Elysées, 1950

samedi 13 décembre 2008

Mémoires



Gal Baron De MARBOT
Plon

"En voyant approcher le fils de son ancien ami, et j’ose le dire, son aide de camp de prédilection, la figure du bon maréchal fut émue, ses yeux se remplirent de larmes, car il ne pouvait se dissimuler qu’il m’envoyait à une mort presque certaine; mais il fallait obéir à l’Empereur; j’étais soldat, on ne pouvait faire marcher un de mes camarades à ma place, et je ne l’eusse pas souffert: c’eût été me déshonorer. Je m’élançai donc ! Mais, tout en faisant le sacrifice de ma vie, je crus devoir prendre les précautions nécessaires pour la sauver. J’avais remarqué que les deux officiers partis avant moi avaient mis le sabre à la main, ce qui me portait à croire qu’ils avaient !e projet de se défendre contre les Cosaques qui les attaqueraient pendant le trajet, défense irréfléchie selon moi, puisqu’elle les avait forcés à s’arrêter pour combattre une multitude d’ennemis qui avaient fini par les accabler. Je m’y pris donc autrement, et laissant mon sabre au fourreau, je me considérai comme un cavalier qui, voulant gagner un prix de course, se dirige le plus rapidement possible et par la ligne la plus courte vers le but indiqué, sans se préoccuper de ce qu’il y a, ni à droite ni à gauche, sur son chemin. Or, mon but étant le monticule occupé par le 14’ de ligne, je résolus de m’y rendre sans faire attention aux Cosaques, que j’annulai par la pensée.
Ce système me réussit parfaitement ; Lisette, plus légère qu’une hirondelle, et volant plus qu’elle ne courait, dévorait l’espace, franchissant les monceaux de cadavres d’hommes et de chevaux, les fossés, les affûts brisés, ainsi que les feux mal éteints des bivouacs. Des milliers de Cosaques éparpillés couvraient la plaine. Les premiers qui m’aperçurent comme des chasseurs dans une traque, lorsque, voyant un lièvre, ils s’annoncent mutuellement sa présence par les cris: «A vous ! à vous !» Mais aucun de ces Cosaques n’essaya de m’arrêter, d’abord à cause de l’extrême rapidité de ma course, et probablement aussi parce qu’étant en très grand nombre, chacun d’eux pensait que je ne pourrais éviter ses camarades placés plus loin. Si bien que j’échappai à tous et parvins au 14ème de ligne, sans que moi ni mon excellente jument eussions reçu la moindre égratignure !
Je trouvai le 14’ formé en carré sur le haut du monticule; mais comme les pentes de terrain étaient fort douces, la cavalerie ennemie avait pu exécuter plusieurs charges contre le régiment français qui, les ayant vigoureusement repoussées, était entouré par un cercle de cadavres de chevaux et de dragons russes, formant une espèce de rempart qui rendait, désormais, la position presque inaccessible à la cavalerie, car, malgré l’aide de nos fantassins, j’eus beaucoup de peine à passer par-dessus ce sanglant et affreux retranchement. J’étais enfin dans le carré ! - Depuis la mort du colonel Savary, tué au passage de l’Ukra, le 14ème était commandé par un chef de bataillon. Lorsque, au milieu d’une grêle de boulets, je transmis à ce militaire l’ordre de quitter sa position pour tâcher de rejoindre le corps d’armée, il me fit observer que l’artillerie ennemie, tirant depuis une heure sur le 14ème, lui avait fait éprouver de telles pertes que la poignée de soldats qui lui restait serait infailliblement exterminée si elle descendait en plaine; qu’il n’aurait d’ailleurs pas le temps de préparer l’exécution de ce mouvement puisqu’une colonne d’infanterie russe, marchant sur lui, n’était plus qu’à cent pas de nous.
«Je ne vois aucun moyen de sauver le régiment, dit le chef de bataillon; retournez vers l’Empereur, faites-lui les adieux du 14’ de ligne qui a fidèlement exécuté ses ordres, et portez-lui l’aigle qu’il nous avait donnée et que nous ne pouvions plus défendre; il serait trop pénible, en mourant, de la voir tomber aux mains des ennemis !
Le commandant me remit alors son aigle, que les soldats, glorieux débris de cet intrépide régiment, saluèrent pour la dernière fois des cris de: Vive l’Empereur !... eux qui allaient mourir pour lui ! C’était le Cœsar, morituri te saluant! de Tacite; mais ce cri était poussé par des héros !
Les aigles d’infanterie étaient fort lourdes, et leur poids se trouvait augmenté d’une grande et forte hampe en bois de chêne, au sommet de laquelle on la fixait. La longueur de cette hampe m’embarrassait beaucoup, et comme ce bâton, dépourvu de son aigle, ne pouvait constituer un trophée pour les ennemis, je résolus, avec l’assentiment du commandant, de la briser pour n’emporter que l’aigle; mais au moment où, du haut de ma selle, je penchais le corps en avant pour avoir plus de force pour arriver à séparer l’aigle de la hampe, un des nombreux boulets que nous lançaient les Russes traversa la corne de derrière de mon chapeau, à quelques lignes de ma tête!... La commotion fut d’autant plus terrible que mon chapeau, étant retenu par une forte courroie de cuir fixée sous le menton, offrait plus de résistance au coup. Je fus comme anéanti, mais ne tombai pas de cheval. Le sang me coulait par le nez, les oreilles et même par les yeux; néanmoins j’entendais encore, je voyais. Je comprenais et conservais toutes mes facultés intellectuelles, bien que mes membres fussent paralysés au point qu’il m’était impossible de remuer un seul doigt !...”

Dressage


Cdt LICART

Delmas et Cie, 1976

vendredi 12 décembre 2008

Serko


Jean-Louis GOURAUD
1997

En Avant, Calme et Droit



François NOURISSIER
Grasset, 1987


Hector Vachaud, dit Vachaud d'Arcole, n'est pas un grand cavalier, un "dieu" de Saumur ni une vedette des concours hippiques. Il est seulement un "homme de cheval". Sa passion le fait vivre, des années trente à nos jours, dans une société singulière et archaïque. A travers elle, il découvre la comédie sociale, l'amitié, le bonheur d'enseigner et même, sur le tard, l'amour. Un étrange amour. A travers le prisme de la morale cavalière il voit les passions politiques, les courages et les lâchetés, enfin la métamorphose immense de la France.Ecuyers, cavaliers, ascèse et luxe, parfums du passé, amazones gourmandes de chair fraîche, anciens combattants abusifs, abbés musclés, manitous de Vichy, juifs traqués, gagne-petit du marché noir, jeunes filles en fleur : une peinture moqueuse et féroce d'un demi-siècle de vie française sert de décor à la vie d'Hector Vachaud. Les "belles âmes" n'y sont pas toujours limpides ! Heureusement, les chevaux aux yeux fous, les aubes en forêt, le silence religieux des manèges servent d'antidote aux poisons et aux impostures de la nostalgie.